Afin de boucler mon voyage je suis rentré en Orient-Express, et je fus confronté à l’intimité de la déception, à la blessure infantile de l’acceptation des défauts des grands… Bref, l’Orient-Express m’a rappelé qu’il n’y a aucune ontologie du mythe, mais bien une humanité les construisant. (Cet article est un peu long.)
J’avais écris à un ami, qu’il ne fallait pas moins de l’Orient-Express pour quitter Venise, sans éprouver l’arrachement d’un départ d’une ville qui m’est apparue si familière, belle et pourtant si étrangère, en somme si vivante !
Le départ fut celui de l’apprentissage des faiblesses inhérentes à l’homme dans sa solitude. La mienne, celle des autres. En somme ce voyage initiatique m’a permis de faire mes deuils vis à vis d’un monde disparu.
Au moment de la réservation, j’eus les premiers signes d’alerte. L’Orient-Express est propriété du Groupe Belmond, depuis 1982, qui gère donc le Venise Simplon Orient-Express. Ils précisent dès le départ dans le devis que les tarifs sont susceptibles de changer. Bordant ainsi sur le plan légal leur politique. Ainsi en trois jours les tarifs dans mon cas avaient changé (vers la hausse) sans explication. Je n’ai eu que le sentiment de la dimension « gridy » d’un capitalisme outrancier, et me suis dit que si cela se passait ainsi au début, à la fin la facture risquait d’augmenter, puisque demandant la raison de cette inflation, c’est la clause contractuelle, qui m’a été renvoyée (sur ce point cf la réponse en commentaire). Je me suis alors tourné vers leur prestataire, qui n’applique pas cette clause, Trains de Luxe. Or visiblement les deux entités ne communiquent pas entre elle. Arrivé le jour du départ, alors que j’avais appelé ledit prestataire la veille et l’avant-veille, il ne répond pas aux emails, pour m’assurer que les prestations payées seraient là, recevant du groupe Belmond des informations contradictoires… et ce que je craignais advint et c’est là que débuta l’humanité de cette expérience. Une Jeune fille tirée à quatre épingles est venue me chercher à l’hôtel et m’annonce un voyage groupé, là où j’avais payé un voyage privatif. Et cette jeune fille sur un mode défensif m’explique que c’est surement parce que je n’avais pas payé le voyage et me propose de prendre un taxi à mes frais. Puis elle m’informe que le prestataire n’a pas payé le service. Bref… in fine c’est le client, à savoir moi, qui fut perdu dans la non communication faite entre entité. Car en somme voici une belle illustration de ce qui est appelé le « Syndrome de Vasa« , dans une organisation, personne n’est légalement responsable, personne ne décide de rien, le résultat est un naufrage pour le Wasa, ou un client qui est laissé seul face à tout c’est à dire rien.
Puis ladite Jf nous a guidé façon tour operator dans Venise et jusque sur le quai de la gare, brandissant en l’air son panneau, affichant ainsi au yeux du reste du monde que nous étions « le groupe Orient-Express », parmi les groupes d’autres touristes.
Puis arrivé sur le quai, on me montre la personne responsable, nous discutons, elle me présente ses excuses, et encore une fois n’entend rien à la demande, après m’avoir demandé des preuves par mails de mes dires, ce que je fis. Une écoute circonstancielle et non sur le fond.
Une fois embarqué cela continua pour le meilleur et le pire. Le train est une enveloppe sublime, Les marqueteries des cabines, les verres polis de la salle Lalique du restaurant, sont époustouflants, l’argenterie est rutilante. Le matériel, pour ne pas dire le matérialisme, est à la hauteur. Chaque voiture a un stewart, la voiture F, avait Davide, impeccable, il fut la réussite de ce train. L’autre élément qui est assez exceptionnel c’est la qualité des mets, et l’originalité du chef qui est remarquable, avec une carte des vins de très bonne qualité. En somme l’enveloppe est là.
C’est par tout le reste que la déception est née. Tout d’abord un homme dans une posture relativement hautaine, menton relevé, regardant de haut les clients est passé avec une jaquette, en apparence qui peut faire impression, mais qui n’était pas propre, et au gris passé, comme ces jeans, qui deviennent délavé à force de… il est appelé le maitre d’hôtel et détermine en fonction du taux de remplissage du train et les capacités d’accueil des voitures restaurant où l’on déjeune et dine.
Puis me promenant dans les couloirs, pour aller à la boutique, les personnes en cuisine ne semblent pas se rendre compte à quel point elles sont exposées en dehors de leur service. Ainsi ce n’était que blagues grivoises, avec telle cheffe voulant faire du bouche à bouche à untel et telle autre ne voulant surtout pas toucher ou faire du bouche à bouche à un autre… Bref, commentant les clients du train… Mais peut-être que le personnel n’a pas l’habitude que l’on parle la même langue. Puis au moment du service les serveurs ne connaissent pas les produits que l’on a dans l’assiette ni comment les déguster. On nous servait alors un plat, avec du Caviar de Truffe, et habitué de la maison Petrossian, je demandais au serveur ce qu’il en était, il n’a pas su me répondre, de même si je devais changer de couvert, il ne savait pas. Il est allé demander à son « supérieur », et il est revenu avec un « c’est la truffe, vous n’avez pas besoin, mangez la comme cela. ». Au bar, cela n’était pas mieux, le service était aléatoire et peu précis, les tables avaient des petits-fours, et alors que des personnes rencontrées dans le train se joignaient à moi, et commandaient la même chose, n’avaient rien. Les assiettes, sont de belles factures et élégantes, mais si la surface est belle, alors que je voulais voir qui était le porcelainier qui les produisait, elles étaient sales derrière, mal lavées. Le thé proposé n’était pas non plus d’une grande qualité, il était bio certes mais pas de qualité. En sachet et non en vrac… (cf réponse en commentaire) et il n’y avait que des parfumés basiques que l’on trouve en grande surface. Aucun thé fumé, ou des thés pour l’après-midi, rien… De même la communication au sein même du groupe Belmond n’est pas leur fort. Ou est-ce la clause des tarifs qui varient ? Par emails j’échangeais sur certains produits présents en cabine, qu’une offre commerciale reçue par email avant le départ proposait. Les tarifs annoncés par la commerciale n’étaient pas du tout ceux pratiqués en boutique avec 5 euros d’écart par exemple sur le Stewart teddy-Bear, annoncé à 42 euros, par email et vendu à 47 euros en boutique… Enfin le sumum de la non-écoute fut alors que le train avait un retard conséquent, je demandais si l’on pouvait avoir un papier pour justifier du retard, ayant ensuite un Eurostar à prendre et devant faire une conférence à Cambridge. Quelque temps après « suite à la plainte que j’avais formulée concernant le retard du train, le vin m’était offert par le responsable de la restauration. » Je l’ai poliment remercié mais in fine, je n’avais pas formulé une plainte, je n’avais pas de papier pour mon Eurostar. L’ensemble de la table avec qui je dînais, des personnes rencontrées dans le train, n’ont pas compris. On a remercié en choeur le geste, mais cela ne changeait rien. Et on en revient au fond du problème, personne n’écoute ce que le client dit ( « Syndrome de Vasa« )
Que tirer de cette expérience ? Et bien que de nos jours il faut savoir se contenter des belles enveloppes, et que peut-être il est vrai, comme le disait un ami, le baron de C., « nous sommes des dinosaures à l’éducation tant esthétique que gustative disparue. » Ce voyage fut le constat de cette disparition. En revanche il y a une chose positive à laquelle je ne m’attendais pas, et qui m’a permis de savourer quelque chose dans ce train, qui fut un jour une légende des voyages et qui est devenu une belle machine: la qualité des rencontres que l’on y fait. J’y ai rencontré le temps d’une soirée dans mon smoking aux boutons en émeraude, je le précise car le « jeu » façon Agatha Christie a été de les voler, et de trouver le voleur, car les grands enfants que nous sommes redevenus le temps d’un soir, avaient aussi besoin de cette légèreté là… Car en somme il ne faut jamais l’oublier, mais n’est-ce pas là ce que le groupe Belmond semble avoir fait, l’humain est la pire mais aussi la plus merveilleuse des rencontres.
Ainsi l’Orient-Express, m’a confirmé que j’appartenais à une espèce disparue, par trop esthète, face à un mercantilisme présent, et m’a montré le processus qui conduit des mythes à l’humanité Le Luxe n’est plus une expérience, il n’est qu’objet… errare humanum est, persavare diabolique est… semble être devenu Business humanum est !
Les Règles pour éviter tout cela : (Si c’est Possible?)
Ne jamais perdre de vue le client, et entendre sa demande, avant de chercher à appliquer ses propres standards.
Ne pas oublier les règles les plus basiques quant à la propreté.
S’assurer de la cohérence entre les prestataires et la société mère, mais aussi de la cohérence en interne, sinon cela donnera au client le sentiment de s’être fait avoir « in nomine Capitalismus » et risquerait de mettre à jour des problématiques quant à l’image véhiculée.
Toujours se souvenir que la forme est au service du fond, sinon on devient un parc d’attraction pour nouveaux riches !
PS : Cher Lecteur, merci de me préciser si vous percevez des erreurs orthographiques…